Leçon : La troncation – Apocope et Aphérèse

MOTS TRONQUÉS : APHÉRÈSE ET APOCOPE

La troncation est une réduction orale consistant à supprimer une partie du mot. L’abréviation ainsi créée devient généralement un mot à part entière qui entre dans le dictionnaire.

On distingue deux types de troncation : l´aphérèse et l’apocope. L’aphérèse efface le début du mot (comme bus, au lieu d’omnibus), alors que l´apocope efface la fin du mot (comme auto, au lieu d’automobile).

APHÉRÈSE

L’aphérèse (substantif féminin) consiste à retrancher une ou plusieurs syllabes (ou une ou plusieurs lettres) au commencement d’un mot. Le terme vient du latin aphæresis, d’origine grecque (de ἀφαίρεσις / aphaíresis, « ablation »)

Le phénomène n’est pas récent puisqu’il était utilisé autrefois avec des prénoms (parfois devenus des patronymes), comme Bastien (Sébastien), Colas (Nicolas), ou Toine (Antoine).

L’aphérèse est beaucoup moins utilisée que l’apocope, mais on connaît quelques exemples courants : car (autocar), pitaine (capitaine), Ricain (Américain), steak (beefsteak), blème (problème), troquet (mastroquet) ou encore bus (omnibus).

Le cas du mot « bus » est intéressant. Le latin omnibus, (« pour tous »), a d’abord été employé comme adjectif pour désigner une voiture pour tous (1825), un train s’arrêtant à toutes les stations (1838), puis une voiture hippomobile de transport public (1893). La terminaison bus est ainsi devenue synonyme de véhicule et a été utilisée plus tard pour former les mots autobus (1906), trolleybus (1921) et abribus (1974).

APOCOPE

L’apocope, mot féminin issu du grec αποκοπτειν / apokoptein (« retrancher »), est une modification phonétique caractérisée par la troncation du mot en ne gardant que le début (une ou plusieurs syllabes, avec éventuellement une lettre en plus).

Exemples :

– une seule syllabe : bi, au lieu de bisexuel
– une syllabe + une lettre : fac, au lieu de faculté
– deux syllabes : auto, au lieu d’automobile
– deux syllabes + une lettre : récup, au lieu de récupération.

La dernière lettre est quelquefois remplacée par la voyelle « o », comme dans apéro (apéritif), dico (dictionnaire), resto (restaurant), véto (vétérinaire), etc. Parfois même, une lettre étrangère au mot vient s’intercaler, comme dans dirlo (directeur).

L’apocope est généralement utilisée à l’oral pour simplifier le langage familier et contribue souvent à la formation de néologismes. Très fréquemment, la troncation consiste à ne conserver que le préfixe, comme dans hyper (hypermarché), super (supercarburant), kilo (kilogramme), stylo (stylographe), moto (motocyclette), etc. Toutefois, la coupe ne respecte pas toujours l’élément d’origine, comme dans kiné (l’élément d’origine étant kinési-).

Les racines d’origine grecque ou latine se terminant par -o se prêtent particulièrement bien à l’apocope car elles rejoignent une terminaison populaire : gynécophilogastrodactylogéobio, etc.

Certaines apocopes relèvent de la langue familière récente, comme coloc (colocataire), occase (occasion) ou bénèf (bénéfice), tandis que d’autres sont devenues des mots à part entière, intégrés depuis longtemps dans le dictionnaire, comme taxivélométrotélé, etc.

La troncation concerne le plus souvent les substantifs et les adjectifs, mais elle peut aussi affecter d’autres éléments du langage : un verbe (déj, au lieu de déjeuner), un adverbe (grave, au lieu de gravement), un mot composé (beauf, au lieu de beau-frère), une locution (comme d’hab, au lieu de « comme d’habitude »), une expression courante ou argotique (bon ap’, au lieu de « bon appétit », à c’t’aprèm, au lieu de « à cet après-midi », sans dec, au lieu de « sans déconner ? »).

Enfin, certains noms propres peuvent être victimes de l’apocope : Boul’Mich (Boulevard Saint-Michel), Vel’d’Hiv’ (Vélodrome d’hiver), les Bat’d’Af (bataillons d’Afrique), ou plus récemment, Macdo (MacDonald’s). C’est le cas également pour les prénoms dont les diminutifs sont souvent des apocopes : Fred (Frédéric), Jo (Joseph ou Georges), Gus (Gustave), Alex (Alexandre), Clo (Clotilde ou Claudine), etc. Certains sont même redoublés, comme Jojo, Gigi, Lulu, Momo, Gégé, etc.

Pour finir, précisons que les noms communs formés par apocope prennent un « s » au pluriel : des kinés, des métros, des taxis, etc.